Aravis resplendissants, rencontres fertiles et SOUFFLE décoiffant.

Brigitte Chavas et Jacques Bardot

L’atelier « petit voyage holotropique » annonce 7 participants, les matelas attendent, les masques, la musique sont prêts. Voilà que d’autres personnes arrivent : une, deux, trois…  dix ! L’annulation de dernière minute d’un atelier a rempli la salle. Les matelas sont rajoutés, encore, encore, … La salle vibre déjà de monde, d’attente et de craintes : les 17 personnes présentes n’ont pas pratiqué la Respiration Holotropique.

La Respiration Holotropique, pratique phare des thérapies transpersonnelles, mise au point dans les années 70 par Stanislav et Christian Grof va être adaptée pour cet atelier : d’une durée de trois à quatre heures, elle va passer à 1h15 (puisque l’atelier dure 2h) et il n’y aura pas d’« accompagnant ». Habituellement, le travail se fait en duos, chaque personne est accompagnée par une autre et l’échange se fait ensuite. C’est une technique qui est essentiellement pratiquée en séminaires résidentiels. Donc pour ce « petit voyage » pas d’accompagnant et une plongée assez directe.

Il s’agit d’abord d’accueillir une à une toutes les dernières personnes qui arrivent et en même temps de commencer. Je passe un temps à poser un cadre de sécurité : les règles de confidentialité, de non passage à l’acte, d’engagement à rester dans la pièce jusqu’au bout de l’atelier et sur le matelas pendant l’expérience. Le nombre de personnes pour deux accompagnants m’engage à poser l’interdiction de se lever. Et bien sûr, rien n’est obligatoire dans ce moment, même pas de « respirer ».

Je décris très concrètement comment se passe la séance. Les expériences possibles ? Comme dans les rêves, tout est possible. Laisser la sagesse du corps, de l’organisme s’exprimer et guider l’aventure. Laisser faire, laisser venir, laisser se déployer : cris, mouvements, silence, immobilité, folies, sagesses, l’enfant, l’animal, … tout est bienvenu ! Et Jacques et moi sommes là pour recadrer si besoin et pour répondre aux demandes.

Plonger dans l’inconnu

Les personnes sont allongées, couvertes. J’induis une courte détente du corps, puis l’hyperventilation (respirer plus profondément et plus vite sans technique particulière) et la musique commence, forte, rythmée, tribale. Le public du congrès est un public facile, des thérapeutes ou non, mais beaucoup de personnes qui sont bien en lien avec leur corps et ce qui en émerge. Alors la transe commence très vite pour la plupart des participants, les voix, les larmes, les mouvements, les ouvertures et la rencontre avec des blocages. Tout est là en quelques minutes.

Nous sommes deux, ils sont 17, c’est du non stop, rapidement et tranquillement nous passons de l’un à l’autre : éviter que cette femme se cogne contre le mur, que ce matelas glisse vers son voisin, donner un contact ou un appui ici ou là. Soutenir, contenir… Aider à un étirement du corps, à un repliement, un passage, une naissance… Nous facilitons les processus émergeant de tous ces organismes corps/psychés.

Des aventures multiples

Regardant et accompagnant les différents processus, nous voyons ici à St Jean de Sixt se décliner les différents types d’expériences possibles, même si chaque expérience est multidimensionnelle et donc polysémique.

Certaines expériences sont très corporelles, avec un flot de sensations, de mouvements sans images ou liens particuliers. Le corps vit, exprime, dénoue lui-même.

Mon expérience a été très corporelle. Très vite, mes bras et mes jambes se sont mis en mouvement. C’était comme une marche rapide, volontaire, cadencée…

Dans cette expérience, du sens apparait pourtant.

Pendant ce temps, sans vraiment avoir des images, je ressentais l’ambiance d’une armée romaine conquérante, décidée, menée par des chefs en armure comme si j’en étais.

D’autres expériences sont essentiellement émotionnelles. Une femme n’arrive pas à respirer, elle a trop peur, elle est « gênée par les cris dans la pièce ». Je l’invite alors à ne pas forcer et rester allongée sans plus. Je garde un contact avec elle et elle va beaucoup pleurer, évacuer un flot de chagrin dont elle dira peu.

Les expériences biographiques qui permettent de vivre plus entièrement des situations ou évènements du passé sont fréquentes. Elles peuvent achever des « gestalts » inachevées, libérer des énergies/ émotions enkystées depuis longtemps.

Les expériences périnatales sont légion en Respiration Holotropique. Grof a beaucoup travaillé autour du périnatal et de l’empreinte de la naissance sur la façon de vivre les passages de la vie. Il distingue quatre étapes de naissance et donc quatre « matrices » fondatrices du psychisme. Elles peuvent être vécues à tous les niveaux de l’être de manière très corporelle, émotionnelle, très symbolique ou transpersonnelle. 

Très vite, je me retrouve avec beaucoup d’énergie et une très grande force sous la terre. Je suis une sorte de prédateur très puissant puis à l’inverse quelque temps après je me retrouve toujours sous la terre ensevelie, cherchant à sortir. Je lutte pour remonter à la surface. Mes forces sont décuplées même si c’est horrible.

A nouveau mes bras et mes jambes se mettent en mouvement mais cette fois-ci pour chercher à se frayer un chemin, trouver une issue dans un univers obscur. Je cherche un contact avec ma tête. L’affolement me gagne mais je sens qu’il faut que je traverse cela. Heureusement j’ai l’aide de Jacques qui vient me tenir fermement la tête. Cet appui m’amène à vivre un processus de naissance. Mon corps s’arqueboute pour trouver la sortie puis se déploie.

Je pense à cet homme aussi qui vit ce jour-là une naissance et qui se retrouve seul ensuite, avec sa tristesse, son sentiment d’abandon et qui pleure, pleure, pleure, manquant de la présence de sa mère, appréciant ma présence quand je pose une main sur lui.

Les expériences en état de conscience élargis ouvrent aussi sur une infinité d’expériences transpersonnelles – qui dépassent et transcendent le niveau personnel – : de l’identification à un animal, un végétal, …  à des vies passées (antérieures ?), aux dimensions transgénérationnelles, aux expériences de médiumnité, de télépathie et expériences spirituelles.

Je suis seule puis me retrouve face à une sorte d’armée de guerriers et  à deux reprises, une entité me demande de renouveler mes vœux de guerrière de lumière. Je reçois à plusieurs reprises beaucoup d’amour d’êtres de lumière positionnés face à moi, très grands. Je sens mon cœur pas assez ouvert pour tout recevoir. J’en reçois une partie.

A un moment j’ai l’étrange sensation de m’étirer à l’infini pour connecter le soleil, je suis une verticale « parfaite », puis je me retrouve son, onde qui pulse, évolue dans l’espace. C’est très très agréable, voluptueux. Tous mes sens sont ouverts. Je deviens aussi le vent. Puis la musique me ramène dans l’ici et maintenant, je sens mes corps s’emboiter les uns dans les autres, se rassembler. Je suis dans le plaisir et la pulsation. J’écoute les témoignages, les retours des animateurs sont très clairs et contenants et cela me soulage.

J ai vécu une sensation de « porter le monde, la planète Terre plus justement », de connexion au cosmos et d’amour universel.

Les bienfaits

La plupart des participants semblent heureux de cet atelier. Quelques uns disent ne pas être vraiment « partis ». Pourtant ils partagent des sensations ou émotions nouvelles ou rarement exprimées dans leur vie. L’engagement général et l’intensité étaient notables. Le partage qui a suivi a pu donner la parole à tous et nos retours (nourris de notre grande expérience dans le domaine transpersonnel) ont apaisé et éclairé certaines personnes.

Suite à un long travail, cette séance m’a permis de boucler un processus névrotique, ceci à plusieurs niveaux en même temps (émotionnel, spirituel et physique) et en passant d’une polarité à l’autre.

J’ai aimé tous les ateliers de ce colloque mais la Respiration Holotropique m’a particulièrement touchée au sens profond du terme. C’était trop fort pour être partagé en groupe et c’est encore très présent. Merci.

Pour la première fois, je sens que ma tête peut être au repos et que la tension oculaire a lâché puisque je peux aussi voir à l’arrière du crâne et c’est très bon. C’est une très belle réparation du traumatisme de ma naissance lié à l’accélération artificielle du rythme des contractions, pour le seul confort du médecin accoucheur pressé de se rendre à un repas de famille (selon la légende familiale). Merci pour cette expérience puisque plus rien ne peut être comme avant.

Je suis en train de trouver ma vraie personne après être passée de l’impuissance à la toute puissance pendant de longues années.

Je prends conscience que je ne prends pas suffisamment au sérieux ce que je vis dans ces voyages et prends conscience de mon être multidimensionnel, ce qui crée une grande unité à l’intérieur de moi un grand calme. Je suis plus en lien avec tout mon être et je ressens le travail qui s’opère sur différents plans.  Peut-être qu’enfin je vais « oser ma puissance ». Un grand merci pour vos retours clairs et contenants qui valident le noyau sain de la personne et aident à l’intégration de l’expérience. Ce travail me passionne ! Joie et gratitude !

Gratitude

Finalement après ce groupe engagé, les participants sont contents de leur voyage en grande majorité, et nous, les animateurs, satisfaits et ravis d’avoir pu partager notre expérience et notre amour de cette pratique. Le contexte positif du congrès et ce groupe ont offert un bon contenant pour tenter l’aventure.

Le corps est un vecteur de conscience. Là après le voyage holotropique les corps sont heureux d’avoir ouvert, libéré, exprimé, et épuisés souvent après une telle plongée… une nouvelle étape de conscience !

Tous les témoignages en italiques sont issus de témoignages de participants. Merci à vous tous !

Brigitte Chavas est thérapeute transpersonnelle et gestalt-thérapeute, relaxologue, formatrice et superviseure. Auteure de « Guérir l’ego, Révéler l’être, le défi des thérapies transpersonnelles », paru en 2010 chez Trédaniel et du « Manuel de Psychothérapie Transpersonnelle » paru chez Dunod Interéditions en 2011, tous deux coécrits avec Bernadette Blin.